Mis en ligne le 28 février 2011
Le vent a tourné en Libye : plusieurs médias du groupe Al-Ghad de Seif Al-Islam Al-Kadhafi, ne lui sont plus fidèles et soutiennent définitivement le camp de la révolte. L’agence Libyapress a repris du service et se positionne clairement contre "le guide de la jamahiriya". Le journal local Quryna, basé à Benghazi, attaque désormais frontalement Mouamar Al-Kadhafi et ses fils. Nous traduisons ci-dessous un éditorial paru le 24 février. Cet article a le mérite de nous rappeler que les piliers de la société libyenne sont et resteront sans doute : l'histoire de la décolonisation, le tribalisme et la revendication d'une légalité régentée par l'islam. L'auteur fait référence à la décolonisation quand il parle du "jihadiste tchadien Qadja Abdallah", qui fut l'un des participants de la bataille d'Al-Ghardabiya. En 1929, sous la direction d'Omar Al-Mokhtar, cette bataille avait réuni toutes les tribus libyennes contre l'occupation italienne. Voici la traduction :
Echec du pari sur la sédition tribale
Auteur : Khalid Al-Mojabari, Quryna, le 24 février 2011 (version arabe ci-dessous)
Un des cheikhs libyens rapporte à propos des liens sociaux et tribaux en Libye, que si tu examines de près les liens de parenté et de mariage, en commençant par une tribu, tu passeras par toutes les tribus libyennes et tu reviendras à nouveau à la tribu avec laquelle tu avais commencé.
Un autre cheikh te rappelle les batailles du jihad auxquelles ont participé des membres de toutes les tribus libyennes en prêtant allégeance au chef du moment, dont personne ne s'irrite et que personne ne refuse. Comme quand ils se sont placés sous les ordres de ce jihadiste tchadien, Qadja Abdallah, étant donné qu'il avait l'expérience et la sagesse dans les affaires relatives au combat.
Et un troisième témoin t'as dit comment des familles entières, de tribus et de régions différentes, vivaient dans une seule maison et utilisaient ensemble un seul lieu.
Toutes ces tribus se moquent du pari de Mouamar Al-Kadhafi et de son fils Seif Al-Islam de lancer une guerre civile entre les tribus libyennes. Et tous considèrent que c'est un pari perdu. N'en a-t-on pas eu la preuve lorsque les compatriotes de villes de l'ouest libyen, et particulièrement ceux de Tripoli, sur lesquels Kadhafi comptait lors de son appel séditieux, sont sortis protester, immédiatement après la diffusion de l'appel ? Ils ont refusé de manière concrète de devenir le combustible de Mouamar Al-Kadhafi et de ses fils soucieux de conserver leur pouvoir en s'agrippant à leur position et à leurs intérêts.
A présent, alors qu'un coup funeste a été porté à cette tentative de semer la sédition tribale et régionale, il est temps pour nous, Libyens, désormais libérés, de renforcer l'Etat de droit, qui applique la loi de Dieu, que son règne vienne et que son prophète soit béni.
Traduction : Pierre Coopman
حين سقط الرهان على الفتنة القبلية
يدلل أحد الشيوخ على الترابط القبلي والتماسك الاجتماعي في ليبيا بالقول انك لو بدأت بقبيلة ما وتتبعت علاقات القرابة والمصاهرة لإفرادها فسوف تمر بكل القبائل الليبية ثم تعود من جديد للقبيلة التي بدأت بها.
ويذكرك شيخ آخر بمعارك الجهاد التي شارك فيها أفراد من كل القبائل الليبية تحت إمرة احدهم يسمونه قائد الدور يبايعه الجميع دون أن يتحسس احدهم من هذا الأمر أو يرفضه ، بل إنهم في أحد تلك الأدوار وضعوا أنفسهم تحت إمرة المجاهد التشادي قجة عبدالله لما له من خبرة وحنكة في أمور القتال .
ويحدثك ثالث عن كيف ان أسرا بأكملها ومن قبائل ومناطق مختلفة كانت تعيش في بيت واحد ويستعملون جميعا مرافق واحدة .
هؤلاء جميعا يبدون سخريتهم مما يراهن عليه معمر القذافي وابنه سيف الإسلام من قيام حرب أهلية بين القبائل الليبية ويعتبرونه رهانا خاسرا، وليس أدل على ذلك من أن المواطنين في المدن غرب ليبيا وخاصة طرابلس الذين راهن عليهم في هذه الدعوة الخبيثة خرجوا مباشرة بعد بث كلمته منددين بما جاء فيها ،معلنين بشكل عملي رفضهم لأن يكونوا وقودا لنار يشعلها معمر القذافي وأبناءه حفاظا على سلطتهم وتمسكا بمناصبهم ومصالحهم .
الآن وقد سقط بالضربة القاضية الرهان على الفتنة القبلية والجهوية فقد آن لنا نحن الليبيين وقد تحررنا أن نعزز دولة القانون التي تطبق شرع الله جل جلاله وهدي رسوله صلى الله عليه وسلم
"renforcer l'état de droit, qui applique la loi de Dieu ..." va falloir qu'on revoie nos représentations de l'oxymore en Occident !
Rédigé par : Eleona Mulud | 01 mars 2011 à 16:59
Faut-il comprendre que les Libyens libérés aspirent à la Charia ?
Rédigé par : Elisabeth | 01 mars 2011 à 19:45
Elisabeth, c’est une traduction objective de ce qui est écrit par l'éditorialiste ce journal de Benghazi. Je rajouterais que sur certaines photos de manifestants à Benghazi, l’on pouvait voir, à l'arrière plan, des graffitis sur les murs, en arabe, avec des phrases du genre : « Khadhafi est un juif »
Bref, tout un programme... L’on voit bien par là qu’une révolution peut renverser un dictateur sanguinaire, sans doute, mais que pour réussir révolution culturelle, cela reste une autre paire de manches...
Rédigé par : Joseph | 01 mars 2011 à 19:49
A Elisabeth, concernant la charia, dans Le Monde du 15 septembre 2011, "selon le juriste Baudouin Dupret, la référence à l’islam ne présume pas du contenu des lois".
A la question : "Faut-il s’inquiéter de la possible mention de la charia dans le projet de constitution libyenne?", Baudouin Dupret répond :
"Cette disposition n’est ni surprenante ni originale. Ce n’est pas un coup de tonnerre dans le ciel bleu de la Libye. La plupart des Constitutions arabes, comme celle de l’Egypte, font de la charia la source principale du droit. Même la Syrie, qui se veut laïque, érige le fiqh, la jurisprudence islamique, en source principale de la législation. La Tunisie et le Maroc font exception, mais leur Constitution précise que l’islam est religion d’Etat. Inscrire l’islam dans la Constitution libyenne, c’est une déclaration vertueuse, parfaitement attendue compte du tenu du conservatisme général de cette société, mais qui ne présage en rien du type de lois qui sera adopté."
Rédigé par : Pierre Coopman | 09 octobre 2011 à 02:43