At Taakhi (Irak), le 1er novembre 2007
Résumé et traduit de l'arabe par Pierre Coopman
Un article de la page opinions du journal kurde irakien At Taakhi se penche sur la récente crise entre la Turquie et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), retranché au nord de l’Irak. At Taakhi, publié en langue arabe, est l’organe officiel du Parti démocratique du Kurdistan d’Irak (PDK). Sous un titre sans ambiguïtés – L’unité kurde face aux menaces turques -, ce journal loyaliste félicite les dirigeants (et anciens rivaux) kurdes Jalal Talabani (chef historique de l’UPK, l’Union patriotique du Kurdistan, aujourd’hui président de la république irakienne) et Massoud Barzani (président du gouvernement autonome kurde et leader du PDK) pour leur unité face à la menace d’intervention militaire turque et pour « leur refus de tout marchandage concernant le sort du PKK ».
Le journal juge tout d’abord que les pays limitrophes de l’Irak observent avec dépit la réussite de l’expérience kurde depuis la destitution de Saddam Hussein. Il sous-entend ensuite que les conflits qui avaient opposé les milices de Massoud Barzani et de Jalal Talabani, entre 1993 et 1998, étaient fomentés par ces pays, qui se voient aujourd’hui contrariés par l’entente entre les deux anciens ennemis et la montée de leur influence au sein de l’Etat irakien.
Mais At Taakhi estime également que le PKK a fait preuve de bonne volonté en suspendant à plusieurs reprises ses opérations militaires, afin d’offrir des opportunités de résolution pacifique de la question kurde en Turquie (ndlr. entre autres après les appels à la reddition lancés par le leader historique du PKK, Abdulah Öcalan, emprisonné depuis 1999 sur l’île turque d'Imrali).
At Taakhi choisit donc de blâmer les militaires et politiciens turcs pour leur choix de l’option militaire et leur insistance à éliminer le PKK. Il leur reproche d’être paralysés par leurs convictions et incapables de jauger les véritables capacités politiques et militaires du PKK en Turquie. Selon l’organe du PDK, « La Turquie est en crise et se rend compte du danger que représenterait toute prise de décision unilatérale alors qu’elle n’a plus dans son voisinage le gouvernement de Saddam Husseïn avec lequel elle pouvait s’entendre sur un droit de poursuite de la guérilla jusqu’à quinze kilomètres à l’intérieur des terres irakiennes (…). La Turquie réalise que les USA ne permettraient pas une intervention militaire parce qu’elle déstabiliserait la région la plus calme d’Irak et serait interprétée comme un blanc-seing aux désirs d’ingérence d’autres pays limitrophes tels que l’Iran (…)» At Taakhi semble persuadé que la Turquie est isolée sur la scène internationale et congratule les dirigeants kurdes d’Irak pour leur unité, « qui établit les contours d’une nouvelle ère dans l’histoire du mouvement de libération nationale kurde. Car après avoir été longtemps ignorés par la communauté internationale et les grandes puissances, les Kurdes ont pu tisser un filet de protection, grâce à un pragmatisme politique remarquable, qui leur permet de résister à toute tentative de les écarter du paysage».
L’article en arabe (wahdat al kourd fi mouwaajahat at tahdiidaat at tourkiya) sur la colonne de gauche :Téléchargement at_taakhi.pdf
A noter également, sur cette page, le long réquisitoire d’Ali Sinjari, se plaignant du report de l’exécution des peines dans le procès de l’opération « Anfal » (le massacre des kurdes par les armées de Saddam Husseïn en 1988). Ali Sinjari accuse le chauvinisme des arabes irakiens, qui auraient attaché plus d’importance à la pendaison de Saddam pour ses crimes contre les habitants arabes chiites de Djoubail (1982) qu’à l’application des sanctions du procès Anfal et des exactions commises contre les Kurdes.
La pendaison d'Ali Hassan al Madjid, cousin de Saddam Hussein, plus connu sous le nom d'Ali le chimique, avait en effet été reportée début octobre, en raison (selon certaines sources) du refus de Tarek Al-Hachemi, un sunnite exerçant les fonctions de vice-président du Conseil de la présidence, de signer l'ordre d'exécution.
Cet article d’Ali Sinjari confirme la montée des analyses de type « communautaire » parmi les observateurs de la situation en Irak. Ali Sinjari reflétant, dans ce cas ci, la lecture kurde des événements.
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