Mise en ligne : le 25 mai 2008
Photo : Samir Geagea, dirigeant des Forces libanaises
En l’espace de deux semaines, le Liban a connu l’enfer d’une véritable guerre civile et l’euphorie de l’accord de Doha. Les armes se sont tues avec l’élection du général Sleimane à la présidence de la République, mais les acteurs radicaux de la scène libanaise sont restés fidèles à leur réputation. D’après Al-Akhbar (un quotidien libanais de gauche, anti-américain), le Hezbollah n’est pas le seul boutefeu au pays du cèdre. Dans son édition du 18 mai, Al-Akhbar affirme qu’au plus fort des combats, Samir Geagea, chef de guerre chrétien légendaire, a vraiment pensé que son heure de gloire était revenue :
« L’on raconte dans les milieux politiques loyalistes que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a appelé à plusieurs reprises ses alliés de la majorité à considérer un règlement militaire de la crise. Une fois de plus, la théorie défendue par Geagea, selon laquelle tout progrès politique au Liban doit être précédé par un développement sécuritaire, s’est avérée exacte… l’on pourrait dire, d’une certaine manière, que l’opposition (menée par le Hezbollah) a eu recours à une méthode de «mise à niveau» souvent pratiquée par Geagea depuis la fin des années 70, lorsqu’il avait gravi tous les échelons de la hiérarchie des Forces libanaises, au Nord-Liban (Geagea est originaire de la ville de Becharré), à coup de guerres et de révoltes… Un ancien responsable des Forces libanaises a divulgué que le « prince » de Becharré, durant la semaine sanglante qu’a vécue le Liban, était furieux de voir son plan d’action habituel se retourner contre lui, sans qu’il puisse tirer une seule balle afin de rétablir les équilibres. »
Le journal Al-Akhbar révèle que, deux jours avant le début de la crise, des éléments des Forces libanaises ont délibérément essayé de provoquer les partisans du général Aoun (allié du Hezbollah) en dressant des listes comportant les noms, adresses et fonctions des responsables d’obédience aouniste au sein d’une Faculté de lettres. Ces listes, dit-on, étaient censées être utiles « le moment venu ». Ensuite, une délégation du mouvement du 14 mars (allié au gouvernement), menée par la députée Sethrida Geagea (épouse de Samir Geagea), a rendu visite au général Sleimane (chef de l’armée, devenu entretemps chef de l’Etat) pour exiger que l’armée réprime toute menace sécuritaire, afin de ne pas obliger le parti des Forces libanaises à appliquer «ses méthodes», comme en janvier 2007, lorsqu’un mouvement de grève lancé par l’opposition provoqua plusieurs fusillades entre Forces libanaises et aounistes, occasionnant une quinzaine de blessés par balles.
Cette délégation menée par Sethrida Geagea a également demandé, sans aucune chance d’obtenir gain de cause, que l’on procède à une recomposition des unités de l’armée libanaise dans les régions chrétiennes…
Dès le début des confrontations, une source au sein des Forces libanaises a révélé que Geagea avait une humeur bien différente de celle de Joumblatt et de Hariri. Le «docteur» Geagea (il avait entamé des études de médecine avant de devenir milicien) avait promis qu’il «percerait la route de l’aéroport» (bloquée par le Hezbollah)… Cette même source affirme que «malgré les appels au calme, trois réunions ont eu lieu afin d’étudier la manière d’alléger la pression exercée sur les alliés des Forces libanaises à Beyrouth et de rétablir l’équilibre en déclarant que la majorité prenait le contrôle des régions chrétiennes et ouvrait un nouveau champ de bataille face à la menace du Hezbollah contre la présence chrétienne.»
(…) En marge de ces réunions, des bruits ont circulé sur la mobilisation d’unités des Forces libanaises dans différents secteurs. Mais Samir Geagea sera finalement poussé au calme : d’abord lorsqu’il apprendra que les chrétiens pro-syriens du courant Al-Marada (dirigés par Soleimane Frangié Jr, ennemi de Geagea) et les nationalistes syriens réagiraient férocement à la moindre provocation ; ensuite grâce à «l’insistance d’Amine Gemayel (dirigeant maronite des phalangistes et président de la République libanaise de 1982 à 1988) de préserver la neutralité des régions (chrétiennes) et d’apaiser les relations entre les phalangistes et les nationalistes (syriens)». Gemayel parviendra ainsi à couper l’herbe sous les pieds de Geagea «qui voulait s’appuyer sur des combats livrés par les phalangistes à Jbeïl, au Kesrouan, au Metn et à Beyrouth»… Sans le soutien d’Amine Gemayel, «Geagea perdait un atout qu’il attendait d’utiliser depuis des mois face au général Aoun, afin de récupérer des zones où les Forces libanaises exerçaient auparavant leur influence. (…)»
Al-Akhbar conclut en estimant que ces révélations décrivent un Samir Geagea fidèle à lui-même, ouvertement opposé à la perspective d’un terrain d’entente avec le Hezbollah, quitte à affaiblir l’Etat et à semer la discorde populaire dans les régions chrétiennes.
Traduit de l’arabe par Pierre Coopman
L'article en arabe : Téléchargement geagea_alakhbar.pdf
A lire également sur Arab Press : Ziad Rahbani ne rigole plus, dans Al-Akhbar
Heureusement qu'il y a le "vilain" Geagea et le "bon" Aoun ! Parce que sinon...Enfin, Geagea est le seul à avoir demandé pardon pour ses crimes pendant la guerre à croire qu'il a fait la guerre tout seul pendant que les autres leaders jouaient aux boules !
Rédigé par : popolo | 05 juillet 2009 à 10:15