Les doutes d’Ounsi Al-Hage, dans le journal Al-Akhbar
Mis en ligne le 15 octobre 2007
Le poète Ounsi Al-Hage, ancien rédacteur en chef du quotidien An-Nahar, tient une rubrique dans Al-Akhbar, un journal libanais apparu au mois d’août 2006 (en pleine guerre entre Israël et le Hezbollah), qui se veut l’expression du refus de la politique américaine au Moyen-Orient. Al-Akhbar est parfois qualifié de publication proche du Hezbollah, mais ses éditorialistes témoignent souvent d’une remarquable indépendance de ton. Ziad Rahbani, célèbre comédien et musicien libanais, au style corrosif, y publie régulièrement.
La rubrique d’Ounsi Al-Hage s’appelle «Khawatem » (anneaux), en allusion au titre de son célèbre livre de contemplations philosophiques et d’aphorismes en trois tomes. Le 24 septembre 2007, Ounsi Al-Hage dissertait sur des questions relatives au « crime et au président », faisant allusion à l’actualité du pays du cèdre : l’assassinat du député chrétien Antoine Ghanem et le report de l’élection présidentielle au parlement libanais.
Ounsi Al-Hage n’encourage pas les Libanais à se fier à des puissances mondiales ou régionales s’ils veulent arriver à désigner un chef d’Etat. Il rappelle les puissances régionales à leur faiblesse : « la Syrie, l’Iran, l’Egypte et l’Arabie Saoudite nous persuadent et se persuadent eux-mêmes qu’ils progressent dans la hiérarchie des puissants, tandis qu’ils sont piégés, tout autant que nous, dans un jeu où la seule valeur établie est celle qui permet de s’asseoir sur les crânes de tout le monde, de consoler certaines victimes en offrant d’autres victimes » (…)
« Sommes-nous sur la voie de l’élection d’un nouveau président ou du sabotage de l’élection ? », s’interroge le poète. « Et qu’est-ce qu’un président ? » L’auteur passe en revue quelques notions du leadership avant de se demander qui, au Liban, parmi les présidentiables (obligatoirement d’obédience chrétienne), en rassemble toutes les qualités ? « Du côté du charisme, on trouve sans doute le général Aoun (le candidat de l’opposition). Les dispositions à être un bon chef d’orchestre se retrouvent peut-être chez Nassib Lahoud et Boutros Harb (les deux candidats favoris de l’Alliance du 14 mars, anti-syrienne). Qui est capable de faire le lien entre les opposants ? Eventuellement, Jean Abid (ancien ministre et candidat indépendant). Qui craint l’échec ? Aucune idée. Qui a peur du déclin ? Tous les candidats. Qui peut recoller les morceaux ? La réponse dépend de la Syrie, de l’Amérique, de l’Iran et de l’Arabie Saoudite. Désolé de devoir le dire : chez nous, les têtes se rallient… Mais c’est à se demander si les politiciens libanais ont vraiment envie d’avoir un président ?»
Ounsi Al-Hage appelle les Libanais à se ressaisir, non sans se moquer de la fierté orientale et de l’héroïsme arabe : « Nous faisons partie du monde contemporain, nous avons participé à l’élaboration de la déclaration des droits de l’homme, à la fondation de l’université arabe, à l’invention de l’éclairage, à la diffusion de la langue arabe, à l’établissement d’un cohabitation idéale - malgré quelques frictions et désaccords – et nous nous entretuons dans des combats inutiles, alors que nous n’avons agressé aucun pays à domicile depuis le temps des Phéniciens, nous qui sommes des pacifistes et nous qui ne prenons les armes que pour défendre nos terres et nos libertés ».
Quittant ce ton ironique, Ounsi Al-Hage doute que « ce genre de théorie tienne encore la route alors que notre pays est accablé de tourments (…). Est-il possible de trouver ce qui nous unit vraiment, au-delà des discours hypocrites ? (…) Les belles âmes affirment que notre exception culturelle nous réunit plus qu’elle nous divise. Est-ce bien vrai ? Chez les gens ordinaires, peut-être. Mais au niveau de la direction politique, ce n’est guère correct : nous sommes une société divisée et difforme au niveau national et politique » (…) « Le président espéré serait celui qui naîtrait d’un point de jonction hypothétique entre la discordance et l’harmonie. Un petit point qu’il faudrait protéger et développer jusqu’à ce qu’il ressoude cet exemple confessionnel et culturel qui menace de se séparer et de se disloquer (…) »
Traduit de l’arabe par Pierre Coopman
Le site d'Ounsi El-Hage : http://ounsielhage.com
L'article en arabe :Téléchargement Al-Akhbar.pdf
Le site d'Al-Akhbar : http://www.al-akhbar.com/
"notre exception culturelle nous réunit plus qu’elle nous divise. Chez les gens ordinaires, peut-être. Mais au niveau de la direction politique, ce n’est guère correct " Déjà entendu ça quelque part ...
Rédigé par : Manu | 16 octobre 2007 à 00:49